Le cœur de Dieu au milieu de l’épuisement

Je sors du bureau du médecin, un papier à la main. Ce n’est pas une prescription de médicaments que je tiens, mais un arrêt de travail. Après plusieurs semaines d’épuisement, je devais affronter cette possible réalité que je redoutais : le burn out.

Faisons un petit retour en arrière…

Pendant six ans, j’ai été intervenante sociale auprès des familles immigrantes. Quand les gens me posaient des questions sur mon travail, je tentais parfois d’expliquer avec une description très sommaire et basique telle que : « J’aide les familles immigrantes, précisément les parents d’élèves immigrants d’écoles primaires, à s’intégrer au Québec ». Mais au quotidien, la réalité était tout autre. Effectivement, aucune journée se ressemblait. J’accompagnais des humains qui ont laissé derrière eux une carrière, une maison, une famille, une langue, des habitudes, des connaissances, une fierté, une identité, un héritage, des ressources, une autonomie.

Débutant leur nouvelle vie au Québec, ils étaient confrontés à de nombreux défis financiers, des barrières de langues, un isolement social, problèmes de logement et j’en passe. En tant qu’intervenante, mon but était de leur permettre l’accès à toutes ressources (CLSC, banques alimentaire, garderies) facilitant leur intégration. C’est en les informant, en faisant les démarches avec eux, en me déplaçant avec eux que je tentais d’être ce pont dans leur vie. J’ai définitivement été passionnée par ce travail, me sentant si privilégiée d’être témoin de l’épanouissement de tant de belles familles et de pouvoir leur offrir des solutions.

Au travers de ces belles aventures, il m’arrivait très souvent d’entendre de la part des familles des phrases telles : « Tu as changé notre vie » ou « Qu’est-ce que j’aurais fait sans toi Jade?». Ces belles formes de reconnaissance se retrouvaient aussi dans la collaboration avec mes écoles de qui j’entendais souvent : « Une chance que tu es là Jade, tu es toujours efficace » ou « Ton travail est essentiel et primordial pour les familles ». Vous pouvez deviner que je revenais à la maison avec un grand sentiment d’accomplissement.

Jusqu’à ce que je frappe un mur…

Après la pandémie, l’arrivée de familles immigrantes s’est multipliée, les besoins ont augmenté et les ressources ont diminué. Avec toute la passion que j’avais, je tentais d’offrir autant de solutions. Mais la réalité de mon travail m’obligeait parfois à offrir un accompagnement au compte-goutte et très souvent avec des solutions qui ne répondaient pas au besoin de la famille.

 Mon empressement à résoudre des problèmes devait soudainement ralentir, me laissant avec un sentiment d’avoir échoué. Moins je réglais des problèmes, moins je recevais de reconnaissance. Et plus la reconnaissance quittait le bateau, plus ma valeur en était affectée.

Ce qui me mène à il y a un an, sortant du bureau du médecin et téléphonant à ma boss pour lui annoncer mon arrêt de travail. Assis sur mon sofa pendant que les besoins sont plus que jamais existants, j’étais chez moi à me reposer. Ce n’était pas la définition que j’avais de la sauveuse dans laquelle je m’étais si longtemps identifié.

Je m’étais conditionnée à trouver ma valeur sur la base de ce que je faisais pour les autres. Cela pouvait se refléter même auprès de mes proches. Offrir une écoute attentive, un conseil, faire un repas pour une amie mère de famille.

Mais qu’arrive-t-il lorsque je n’ai plus l’énergie pour offrir tout cela?

C’est alors que Dieu m’a rappelé qui j’étais en premier lieu : sa fille précieuse, choisie et aimée pour absolument aucune autre raison que sa grâce.

Et voici concrètement comment il me l’a montré :

1. Il m’a rappelé que j’étais vue.

Le psaume 139:16 dit ceci : « Je n’étais encore qu’une masse informe, mais tu me voyais et, dans ton registre, se trouvaient déjà inscrits tous les jours que tu m’avais destiné alors qu’aucun d’eux n’existait encore».

J’ai dû lire le psaume 139 plusieurs fois dans ma vie. Mais cette fois-ci, mon attention s’est arrêtée sur les mots Tu me voyais. Avant même que j’accomplisse quoi que ce soit, j’étais vue. J’étais pourtant complètement inutile, mais le regard de mon Père céleste avait été posé sur moi, avec toute son affection.

2. Il m’a rappelé de m’attacher à SA parole à propos de moi et non celles des gens.

Bien sûr que c’est valorisant de sentir qu’on fait plaisir à quelqu’un. Mais les paroles de reconnaissance des gens peuvent être instables selon leur humeur, leur satisfaction, leurs préoccupations. Les paroles d’amour et d’affirmation de mon Père Céleste ne changeront jamais. Elles sont constantes, indépendantes de ce que j’accomplis. Elles ne sont pas en réaction à un besoin répondu mais par pur amour désintéressé.

3. Il m’a permis d’expérimenter l’amour de mes proches dans un état de vulnérabilité

J’ai commencé à observer, valoriser et apprécier les marques d’amour de mes proches dans les moments où je n’étais pas en position d’aider. J’ai appris à accepter d’être aimée sans aucun effort, et parfois même de recevoir de l’aide de gens que j’avais l’habitude d’aider. Cette réalité était tout sauf confortable. Mais elle m’a aidé à retourner à la vraie valeur que Dieu m’avait donnée; d’être son enfant.

En résumé, Dieu a mis en lumière les sources de mon épuisement et m’a fait cadeau de son amour de Père afin de retrouver ma valeur en Lui et non dans un rôle de sauveur. Il m’a remis à ma place, afin que je me souvienne de SA place dans ma vie : le seul vrai sauveur.

Mais sans jouer au sauveur, comment peut-on venir en aide aux gens?

Je ne vous cacherai pas que la fatigue de compassion, la crainte de reprendre les fardeaux des gens est resté très longtemps après, même encore aujourd’hui…Mais Dieu, étant un bon Père, m’a montré peu à peu comment recommencer à montrer de la compassion sans m’épuiser.

C’est ce que je vous partagerai dans un prochain article…

Photos: Chrystel Bédard – Photographe

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